Inventaire géochimique des ressources métallifères de la Wallonie

Nature des données de l’Inventaire géochimique

L’Inventaire Géochimique des Ressources Métallifères de la Wallonie a été réalisé par l’équipe du Prof. Henri Martin (UCL) entre 1979 et 1985. La base de données concerne 10.163 échantillons prélevés le long des ruisseaux et qui ont été analysés pour 20 éléments en trace. L’échantillonnage couvre environ 80% des ruisseaux de la Wallonie. La densité moyenne de l’échantillonnage est d’un échantillon par km². Les ruisseaux dont la vallée ne s’encaissait pas dans le substratum paléozoïque n’ont pas été échantillonnés, ainsi que les zones urbaines et les abords immédiats des fleuves ou des grandes rivières. La superficie concernée par l’échantillonnage couvre 12.000 km², avec une densité moyenne d'un échantillon par km².

Objectif de l’étude et méthodologie mise en œuvre

L’étude avait pour objectif la recherche de nouveaux gîtes métallifères au sein du territoire wallon. La méthode mise en œuvre par l’équipe du Prof. Martin se base sur la présence fréquente, à proximité des gîtes métallifères, d’auréoles de dispersion des métaux. Ces auréoles se mettent généralement en place dans les roches, les sols ou les alluvions situées au voisinage des gîtes, particulièrement les gîtes sulfurés. La présence en surface d’une auréole de dispersion peut indiquer l’existence en profondeur d’un gîte métallifère.

La méthode mise en œuvre pour l’Inventaire Géochimique a donc été d’analyser les concentrations en éléments traces métalliques dans des matériaux de surface afin de détecter et de cartographier les auréoles de dispersion (les anomalies géochimiques) et de mettre ainsi en évidence la présence probable d’un gîte métallifère en profondeur. Pour cela, il a été décidé d’échantillonner les matériaux de surface que l’on pensait être le plus apte à collecter les éléments traces métalliques. Le choix s’est porté sur les sédiments présents le long des cours d’eau (alluvions, colluvions et berges). L’échantillonnage a donc systématiquement recherché les matériaux pour lesquels il y avait des raisons de penser qu’un processus naturel avait pu entraîner une concentration des métaux présents dans le bassin versant. Chaque ruisseau drainant un bassin versant, il était naturel de penser que les gîtes métallifères présents en amont dans ce bassin versant avaient pu influencer les concentrations en éléments traces métalliques dans les berges. Les mécanismes par lesquels s’exerçait cette influence pouvaient être les suivants :

  1. Les berges sont formées d’alluvions qui sont représentatives des zones en amont du bassin et de colluvions qui sont représentatives des flancs des vallées. Les alluvions et les colluvions permettent de détecter des concentrations minérales dans la mesure où elles concentrent des minéraux peu altérables et résistants à l’usure et à la fragmentation qui seraient caractéristiques des gîtes métallifères recherchés ainsi que des minéraux argileux et des colloïdes sur lesquels les métaux se seraient adsorbés.
  2. Par ailleurs, les berges constituent les points bas où sont collectées les eaux de ruissellement et d’infiltration. Ces eaux peuvent s’être chargées en métaux dans le bassin versant et venir les déposer dans les berges où elles débouchent à la surface (adsorption de métaux sur des précipitations d’hydroxydes de Fe et Mn).

Nature de la provenance des échantillons

Les échantillons ont été prélevés dans les berges au-dessus de la limite de battements des eaux, là où le mélange des colluvions, alluvions et de concrétions dues au débouché des eaux d'infiltration pouvait permettre de détecter les indices de minéralisation présents dans les bassins versants. La méthode d’échantillonnage est décrite dans le rapport d’avancement de l’Inventaire Géochimique pour l’année 1984 (Sondag, 1984) : "Le prélèvement a généralement été effectué à la tarière pédologique, à l’intersection du bord inférieur de la berge et du lit vif, dans la zone de battement du niveau d’eau. Dans le cas de berges trop rocailleuses, le prélèvement est effectué en bordure du lit vif, dans les zones à faible courant où se déposent les particules les plus fines".

Il est important de réaliser qu’il ne s'agit donc pas, comme dans d’autres études concernant les sols, d'échantillons qui auraient été prélevés dans l’intention de représenter les parcelles de sol situées jouxtant de lits des cours d’eau, les sols présents dans le bassin versant ou les sols situés sur les plateaux. Les échantillons représentent les matériaux qui, dans les berges et le long des cours d’eau, ont pu concentrer les métaux typiquement trouvés dans une auréole de dispersion. Ils ne sont pas nécessairement représentatifs des sols présents dans le bassin versant.

En conclusion du même rapport, Sondag écrivait : "L’étude des associations chimiques montre l’influence dans les matériaux récoltés à la fois du matériau primaire par la préservation de certains liens hérités de la minéralogie de la roche mère et de l’environnement secondaire qui mobilise de nombreux métaux par le biais de phases néoformées (colloïdes de fer et manganèse). On retrouve également dans le milieu prospecté le contrôle du substratum géologique dans la distribution de plusieurs métaux". Cette conclusion démontre le bien-fondé de la méthode d’échantillonnage utilisée lors de l’Inventaire Géochimique pour détecter d’éventuels gîtes métallifères non encore connus. La liaison avec le substratum géologique a été particulièrement bien mise en évidence en ce qui concerne le métamorphisme de l’Ardenne (Sondag et Duchesne, 1987). Elle permet de justifier l’utilisation qui a été faite des données de l’Inventaire Géochimique pour évaluer l’influence du sous-sol sur la qualité géochimique des berges pour le dépôt des produits de curage des cours d'eau (Sonnet et Benamghar, 2000 ; Sonnet, Guissard et Benamghar, 2002).

Méthode d’analyse utilisée

Contrairement aux normes en vigueur actuellement en Région Wallonne, les analyses chimiques de l’Inventaire Géochimique n’ont pas obtenues par attaque des échantillons à l'eau régale (mélange 1:3 en volume HNO3-HCl). La méthode a été l’attaque triacide (mélange d’acides chlorhydrique, nitrique et fluorhydrique). On peut lire en effet dans le rapport de synthèse générale de l’Inventaire Géochimique : "Après séchage pendant 48h à 60°C, les échantillons sont tamisés à 80 mesh (178 microns). Une mise en solution acide (HCl-HNO3-HF) est réalisée sur 2.5g d'échantillon à 150°C. La reprise est ensuite effectuée par HNO3 4N. Les solutions sont jaugées à 50ml et filtrées avant l'analyse. Celle-ci est réalisée par spectrométrie d'émission de plasma à courant continu".

L’objectif de l’attaque triacide est de parvenir à mettre toutes les phases solides en solution sans qu’il subsiste de résidu (analyse totale). Elle se distingue en cela de l’attaque à l’eau régale qui laisse dans la plupart des cas un résidu solide (analyse pseudototale). Pour certains métaux, particulièrement ceux qui se trouvent au sein de minéraux résistants, les résultats d’analyses de l’Inventaire Géochimiques ne sont donc pas équivalents à ceux qui sont obtenus actuellement en Région Wallonne. Par exemple, un même sol donnera une teneur en Cr plus élevée s’il est analysé par attaque triacide (le minéral chromite contenant le Cr est dissous) que s’il est attaqué à l’eau régale (la chromite n’est pas dissoute et se retrouve dans le résidu, qui n’est pas analysé).

Lors de l’attaque à l’eau régale, la proportion de ces minéraux réfractaires passée en solution peut être extrêmement variable en fonction de la cinétique de l'attaque, du caractère déjà plus ou moins altéré des minéraux et de leur granulométrie. Une analyse réalisée suivant la norme en vigueur en Région wallonne ne constitue donc pas une analyse totale, car tous les éléments ne sont pas totalement passés en solution. Il est extrêmement difficile, si pas impossible, de savoir ce qui subsiste dans le résidu de l'attaque sur base de l'analyse de l'acide.

Les analyses de l’Inventaire Géochimique doivent être considérées comme des analyses totales. Elles ne peuvent donc par être comparées de façon directe avec les analyses par attaque à l’eau régale qui sont réalisées actuellement suivant les normes préconisées par la Région wallonne. L'expérience montre que, pour un certain nombre d’éléments métalliques, il n’est même pas possible d'établir une corrélation entre les résultats de l'attaque totale par voie triacide et les résultats de l'attaque partielle à l'eau régale. Toutefois, les deux types de résultats sont reliés de la façon suivante : les teneurs obtenues après attaque triacide sont toujours supérieures ou égales aux teneurs qui auraient été obtenues si les échantillons avaient été attaqués à l'eau régale.

Les limites de détection sont de l’ordre de 1 ppm pour tous les éléments en traces analysés, à l’exception d’As et de Sb pour lesquels elles se situent aux environs de 10 ppm. Les reproductibilités, estimées à partir de la mesure dans toutes les séries d’analyse d’un même échantillon "test", sont généralement voisines de 10 %, tout au moins lorsque les teneurs sont suffisamment différentes de la limite de détection (Tableau I). Ces valeurs sont restées constantes tout au long de la période d’analyse (3 ans et demi) et tiennent compte à la fois des erreurs liées à l’échantillonnage, à la mise en solution et au dosage proprement dit.

Tableau I : Limite de détection et reproductibilité
Nombre d’analyses : 212

Eléments LD X s C
Mn 0.8 97. 7.2 7.4
Zn 1.6 419. 35.1 8.4
As 10.9 28. 6.1 21.8
Cd 0.7 < 1. - -
Ti 2.3 557. 68.9 12.4
Sb 7.8 < 10. - -
Fe 0.0027 3.89 .29 7.5
Ni 1.0 15. 1.3 8.7
Cu 0.5 22. 1.8 8.2
Nb 0.3 < 1. - -
Ag 1.5 < 1. - -
Mo 0.3 3. 1.6 53.3
Co 0.8 11. 1.1 10.0
Y 0.3 3. 1.6 53.3
Pb 1.2 418. 28.6 6.8
V 0.8 89. 7.4 8.3
La 0.3 3. 1.8 60.0
Sr 0.2 15. 2.8 18.7
Ce 0.9 65. 23.8 36.6
Ba 0.9 218. 28.6 13.1
 
LD : limite de détection, en % pour Fe et en ppm pour tous les autres éléments, a été calculée en tenant compte de la dilution des échantillons (20X);
X, la moyenne, et s, la déviation standard, sont exprimées en % pour Fe et en ppm pour tous les autres éléments;
C : le coefficient de variation, est exprimé en %.

Vérification de la base de données

L’ensemble des résultats analytiques de l’Inventaire Géochimique a été conservé sous forme de microfilms qui accompagnaient le rapport final. Afin de constituer une base de données informatisée, la DGARNE a procédé en 1999 à un encodage des données contenues dans les microfilms par reconnaissance optique. Il a été nécessaire d’examiner avec soin les fichiers informatiques ainsi obtenus afin de corriger ou d’éliminer les données douteuses en se référant aux microfiches d’origine (élimination des doublons en les remplaçant par leur moyenne, données pour lesquelles la localisation géographique pose problème, donnée aberrante attribuable à une faute de frappe, etc.). Ce travail a été effectué par A. Benamghar (2002).

Résultats de l’Inventaire géochimique

La contamination du réseau hydrographique se traduit par une association zinc-cuivre-plomb caractéristique. Celle-ci se marque également d’ailleurs par l’existence de points anomaux conjointement en ces trois éléments. Cette contamination est du reste assez limitée dans la mesure où les anomalies sont de faible amplitude et facilement repérables du fait de leur position en aval de localités. Dans un seul cas une pollution industrielle importante est apparue. Il s’agit d’une traînée anomale en de nombreux métaux (zinc, cadmium, arsenic, molybdène, cobalt, cuivre, plomb, antimoine) observée le long de la Thyle et de son affluent le ruisseau de Gentissart entre Tilly et Court-St-Etienne, dans le Brabant wallon. Ces anomalies proviennent d’une usine de traitement de métaux située en amont. Il s’agit cependant là d’une exception, ce qui permet de conclure que d’une part le mode de prélèvement est bien adapté et que, d’autre part, la contamination industrielle se marque assez peu dans les sédiments des ruisseaux. Cela résulte sans doute de l’action tampon des sols qui accumulent, voire même résorbent, la pollution provenant des poussières, des fumées ou des précipitations et protègent ainsi le réseau hydrographique.

En ce qui concerne les anomalies de type "minéralisations sulfurées" repérées, certaines ont fait l’objet d’un suivi par prospection détaillée dans les sols avec parfois un complément géophysique :

  • Tihange (20 échantillons anomaux en Pb-Zn)
  • Horion-Hozémont: 40 anomalies en Zn, parfois Pb, Cd, As ou Cu
  • Hermalle-sous-Huy: une vingtaine de points anomaux en Zn et parfois Cd
  • Kettenis-Raeren: 7 anomalies en Zn avec Pb, Cd
  • Prayon-Trooz: 4 anomalies en Zn avec Cd, Ba et As
  • Fontaine-l’Evêque: Zn-Pb-Cd-As
  • Borzée (La Roche en Ardenne): Zn-Pb et parfois Cd
  • Bassin de la Masblette: Zn, Pb, Ni, Cd
  • Herbeumont: Zn-Pb.

D’autres types d’anomalies ont été reconnus :

  • en barium entre Gembloux et Fleurus, dans le Devillien du Massif de Brabant et le Salmien du Massif de Stavelot ou dans le Dévonien inférieur entre Liège et Verviers et au Sud de Chimay;
  • en arsenic à la bordure des massifs cambriens de Stavelot, Serpont, Rocroi, la Croix-Scaille; elles sont probablement liées à la présence d’or au niveau de la discordance gedinnienne;
  • en terres-rares (lanthane-cerium) dans le Famennien du Condroz;
  • en molybdène (avec parfois cuivre) aux environs de Horrues, dans le Siegenien au sud de Ferrière (Harre) et d’Houffalize (Tavigny);
  • en antimoine au sud-est de Bastogne, aux environs de Vaux-sur-Sûre et d’Anlier (Rulles).

Le cas des zones d’anciennes exploitations minières pose toujours le difficile problème de la contamination soit par le gisement lui-même, soit par les laveries et fonderies souvent proches. Ce problème a été peu abordé au cours de la présente étude, car les méthodes géochimiques sont mal adaptées dans ces conditions. Dans le cas d’une laverie ou d’un terril, il est impossible de distinguer l’anomalie d’une anomalie "naturelle" puisque les matériaux sont les mêmes.

Références bibliographiques

Les résultats scientifiques de l’Inventaire géochimique ont été publiés dans les articles, rapports de convention ou thèses suivants :

  1. F. Sondag et H. Martin, Inventaire géochimique des ressources métallifères de la Wallonie. Rapport d’avancement pour l’année 1984. Programme (82-85) financé par le Ministère de l’Economie Wallonne.
  2. F. Sondag, Geochemical inventory in the stream sediments over the Paleozoïc formations of Belgium. Bull. Soc. Belge Géol., 94, 1985, pp 159-163.
  3. F. Sondag et H. Martin, Inventaire géochimique des ressources métallifères de la Wallonie. Synthèse générale et rapport de fin de recherche. Programme (82-85) financé par le Ministère de l’Economie Wallonne, 1985, 15 p.
  4. F. Sondag and J.C. Duchesne, The use of geochemical methods to characterize the metamorphic domain in the Belgian Ardennes, Journal of Geochemical Exploration, 27, 1987, pp 311-321.
  5. H. Martin, J.N. Bolle, F. Brodkom, L. Buve, D. Michiels, P. Piessens, J.-L. Pingot, et F. Sondag, Valorisation de l’inventaire géochimique des ressources métallifères de la Wallonie : Cu, Pb et Zn à Tihange et Horion-sur-Meuse (47 p.); Ba à Fleurus (35 p.); Pb et Zn à Borzée (21 p.); Au et As au massif de Serpont et au plateau des Tailles (20 p.,). Rapport final. Programme (87-89) financé par le Ministère de la Région wallonne (49 p.), 1990.
  6. Ph. Sonnet et A. Benamghar, Evaluation de la qualité géochimique des berges pour le dépôt des produits de curage des cours d'eau, 2000, financé par la Région Wallonne, DGRNE.
  7. Ph. Sonnet, V. Guissard et A. Benamghar, Elaboration d'un outil d'aide à la décision exploitant les résultats de l'évaluation de la qualité géochimique des berges pour le dépôt des produits de curage des cours d'eau, 2002, financé par la Région Wallonne, DGRNE.
  8. A. Benamghar, Etude statistique et géostatistique multivariée de l'Inventaire géochimique des ressources métallifères de la Wallonie. Application à l'estimation et à l'interprétation des cartes de risque de pollution en métaux lourds, Thèse de doctorat, Université catholique de Louvain, 2002, 333 p.

Auteur

Ph. Sonnet, Earth and Life Institute, UCL

Inventaire géochimique des ressources métallifères de la Wallonie

Fichier dbf (compressé)  (374.938 Ko)
Table dbase reprenant la localisation et les valeurs géochimiques mesurées des échantillons prélevés. Cette table est la résultat de la numérisation de 1999 des microfilms et de la vérification de 2002 réalisée par A. Benamghar.

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