Dossier pour les historiens et chercheurs

Fiche 1 - Ecrire l'histoire d'une concession - Distinction concessions / sociétés exploitantes

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Il faut bien constater que l'histoire des mines et plus particulièrement des charbonnages, a intéressé et continue d'intéresser de nombreuses personnes, de l'historien local au chercheur.

Le premier niveau de recherche se situe au niveau local, à l'échelle d'une commune, d'une concession, voire d'un siège d'exploitation. C'est à cet aspect que nous allons nous intéresser ici.

L'histoire d'une exploitation minière peut être abordée :

  • sur le plan local, en s'intéressant à un siège d'exploitation localisé dans la commune étudiée ;
  • sur un plan historique et économique plus large, au travers de l'histoire d'une des sociétés exploitantes qui a possédé la concession ;
  • sur un plan plus complet, au travers d'une monographie consacrée à l'histoire de la concession, entre l'octroi de celle-ci et aujourd'hui (ou la date de son retrait).

Le plus important est de ne pas mêler les choses :

  • l'histoire d'un siège n'est pas celle d'un exploitant ou d'une concession, juste un morceau ;
  • l'histoire d'une concession n'est pas celle d'un exploitant donné mais reprend celle de ses sièges et l'implication de cet exploitant vis-à-vis de cette concession ;
  • l'histoire d'un exploitant n'est pas celle d'une concession (ou rarement) ou d'un de ses sièges mais recoupe une partie de celle de ces derniers ;
  • l'histoire des mines d'une commune n'est souvent qu'une partie de celle d'une ou de plusieurs concessions qui comprenaient tout ou partie de la commune.

 

Histoire d'une concession fictive.

Donnons-nous un exemple fictif assez simple, à l'ouest du bassin houiller wallon (les noms des concessions – imaginaires - sont en gras, les noms des concessionnaires – tout aussi imaginaires - en italique).

  • En 1783, le Chapitre noble de Mont octroie le droit d'exploiter les couches de houille sous le Fief du Flénaut, où il détient la haute justice, aux frères Lemineur.
  • En 1809, l'Empereur octroie, pour 50 ans, la maintenue de la concession de Forêt, sous l'ancien Fief du Flénaut, à la Société charbonnière Lemineur, créée en 1805 par les frères Lemineur, qui l'exploitent sans discontinuer, de 1873 jusqu'en 1822, par une quinzaine de puits.
  • En 1810, par effet des nouvelles lois minières, la concession de Forêt devient perpétuelle.
  • En 1827, un arrêté royal crée la concession de Village et l'octroye à Monsieur Untel. La concession s'est transmise aux héritiers Untel jusqu'en 1875.
  • En 1862, un arrêté royal crée la concession de Petite Vallée et l'octroie à la S.A. du Charbonnage de la Grande Vallée.
  • En 1863, la concession de Grande Vallée, contiguë est créée et octroyée à la S.A. du Charbonnage de la Grande Vallée. Cette société possède donc deux concessions distinctes.
  • En 1875, les héritiers Untel ont créé une Société civile Charbonnages Untel et Compagnie avec trois associés, pour l'exploitation de leur concession de Village. Ils l'exploitent par 12 petits puits.
  • En 1877, la S.A. du Charbonnage de la Grande Vallée est autorisé par le Gouvernement à réunir ses deux concessions pour n'en faire plus qu'une, dénommée Grande Vallée et Petite Vallée réunies.
  • En 1892, les Charbonnages Untel et Cie achètent à la Société charbonnière Lemineur la tiers de la concession voisine de Forêt (inexploitée depuis 1822) et réunissent cette partie à leur concession de Village, avec accord du Gouvernement, sous le nom Village-et-Forêt. La société ouvre deux sièges d'exploitation modernes, les sièges Saint-Albert et Saint-Bernard, à côté des 7 petits puits encore actifs.
  • En 1895, les Charbonnages Untel et Cie passent sous statut de société anonyme et changent leur nom en S.A. des Charbonnages de Forêt et Village, propriétaire de la concession de Village-et-Forêt.
  • En 1908, la S.A. des Charbonnages de Forêt et Village est rachetée et absorbée par la S.A. du Charbonnage de la Grande Vallée. La concession de Village-et-Forêt existe toujours en tant qu'unité individuelle mais la S.A. des Charbonnages de Forêt et Village a cessé d'exister. La concession est exploitée par les sièges Saint-Albert et Saint-Bernard et le nouveau siège Sainte-Camille.
  • En 1910, le Gouvernement autorise la S.A. du Charbonnage de la Grande Vallée à réunir sa concession de Grande Vallée et Petite Vallée réunies à celle de Village-et-Forêt, sous le nom Grande et Petite Vallées, Village et Forêt.
  • En 1920, la S.A. du Charbonnage de la Grande Vallée cède un tiers de sa concession de Grande et Petite Vallées, Village et Forêt à un charbonnage voisin qui le réunit à sa concession de Voisin, cette dernière concession ne changeant pas de nom. La S.A. du Charbonnage de la Grande Vallée ne conserve que les sièges Saint-Albert et Sainte-Camille.
  • En 1931, la S.A. du Charbonnage de la Grande Vallée est rachetée par le groupe métallurgique S.A. des Hauts-Fourneaux et Aciers de Lidje. Elle fusionne avec cette dernière, qui conserve telle quelle sa dénomination. La concession de Grande et Petite Vallées, Village et Forêt a donc changé de propriétaire et fait partie désormais des actifs miniers de la société métallurgique, avec 13 autres concessions de mines de houille dispersées dans le pays et 8 concessions de mines de fer. La S.A. du Charbonnage de la Grande Vallée, en tant que telle, a donc cessé d'exister.
  • En 1958, la S.A. des Hauts-Fourneaux et Aciers de Lidje revend toutes ses concessions de mines de houille à sa branche S.A. des Charbonnages Modernes. Cette dernière est le nouveau propriétaire (= concessionnaire) de Grande et Petite Vallées, Village et Forêt. Depuis 1947, seul le siège Sainte-Camille, modernisé, fonctionne encore.
  • En 1961, toute exploitation cesse sur la concession de Grande et Petite Vallées, Village et Forêt. Celle-ci continue néanmoins toujours d'exister et appartient toujours à la S.A. des Charbonnages Modernes.
  • En 1977, la S.A. des Hauts-Fourneaux et Aciers de Lidje est rachetée par la S.A. Sidérurgie du Pays Basque. Cette dernière est à son tour rachetée, en 1984, par la S.A. Aciéries mondiales de l'Himachal-Pradesh. C'est cette dernière société qui possède toujours les 8 mines de fer.
  • En 1995, toutes les actions de la S.A. des Charbonnages Modernes, en liquidation depuis 1967, ont été rachetées par la S.A. Financière Australo-belge. La même année, le Conseil d'administration de cette dernière décide de clore la liquidation de la S.A. des Charbonnages Modernes et réaliser tous les actifs de celle-ci. Le Conseil d'administration invite donc les liquidateurs de la S.A. des Charbonnages Modernes à demander au Gouvernement le retrait, sur renonciation, de leurs 13 concessions, dont celle de Grande et Petite Vallées, Village et Forêt.
  • En 2010, la concession de Grande et Petite Vallées, Village et Forêt est retirée et cesse donc d'exister, après sécurisation de petits puits et des 5 puits des sièges Saint-Albert et Sainte-Camille. La clôture de la liquidation de la S.A. des Charbonnages Modernes est prononcée fin 2010.
  • En 2011, la S.A. Financière Australo-belge est absorbée par un groupe sud-américain.

 

Ecrire l'histoire de la concession

C'est la manière la plus complète et la plus intégrée d'étudier l'histoire de l'exploitation concernée. En effet :

  • nous avons vu qu'une concession est un territoire bien délimité, avec une date de début d'existence et de fin d'existence bien précises (souvent, elle existe toujours); dans tous les cas, sans exception, un décret, un arrêté royal ou un arrêté du Gouvernement wallon a créé ou maintenu cette concession et un autre l'a rayé ;
  • comme tout territoire, elle a pu connaître des extensions, des fusions avec des concessions voisines, des partages, des rectifications de limites, être cédée à un nouveau propriétaire; dans tous les cas (sauf cession complète entre 1810 et 1911), un décret, un arrêté royal ou un arrêté du Gouvernement wallon a autorisé cette mutation ;
  • comme tout territoire, la concession a toujours eu un propriétaire, qu'il soit un particulier, un groupe de particuliers ou une société; comme tout territoire, la plupart des propriétaires ne l'ont souvent possédée et exploitée qu'un certain temps, avant de la céder et de continuer leur vie ailleurs, avec d'autres activités; le propriétaire en est le seul exploitant autorisé par l'Etat ;
  • comme tout territoire, les exploitants passent et la concession demeure et ses limites continuent d'évoluer ;
  • comme tout territoire, une concession a été mise à fruit par de nombreux sièges d'exploitation parfois très simples (un puits) ou parfois complexes (un siège avec puits d'extraction, puits de retour d'air, puits d'exhaure, lavoir, ateliers, dépôts, terrils,, etc.), avec la particularité que tous ces sièges d'exploitation appartenaient au propriétaire de la concession (bien que parfois, ce concessionnaire exploitait par des sous-traitants : remises à forfait).

Dans le cas présent, il suffit d'écrire l'histoire de la concession de Grande et Petite Vallées, Village et Forêt, dans le périmètre existant au moment du retrait de la concession en 2010. Cet historique comprendra :

  • entre 1783 et 1892, celui de Forêt (au moins pour ce qui est de l'origine et des travaux qui se trouvaient sur la partie acquise par les Charbonnages Untel et Cie en 1892) ;
  • entre 1827 et 1892, celui de Vallée ;
  • entre 1892 et 1910, celui de Vallée-et-Forêt ;
  • entre 1862/63 et 1910 celui de Grande Vallée et de Petite Vallée, puis de Grande Vallée et Petite Vallée réunies ;
  • entre 1910 et 2010, celui de Grande et Petite Vallées, Village et Forêt ;
  • éventuellement, on pourrait s'intéresser à la partie de Grande et Petite Vallées, Village et Forêt cédée à celle de Voisin et au siège Saint-Bernard qui y a continué ses activités jusqu'en 1929.

Il sera très simple d'illustrer le travail avec des cartes montrant les concessions, leur étendue, les puits et sièges ainsi que le contexte géographique à diverses étapes clés de leur histoire. Tout comme il sera facile de présenter un tableau des divers exploitants de chaque partie de ce territoire à travers le temps. Ces exploitants pourront eux-mêmes être présentés dans leur situation correspondant à la période où ils étaient concernés.

L'ancrage local de l'étude sera assuré par ce lien géographique, dépassant celui d'une étude communale ou celui de l'histoire d'une société non implantée dans la région. On pourra y signaler les différentes traces encore visibles de cette exploitation, en la raccrochant à chaque époque et à chaque exploitant (bâtiments, puits, terrils, etc.). Le lien avec la géologie, l'habitat ou les voies de communication sera aussi plus direct. Il sera renforcé par la description des travaux de la sécurisation, tout récents, réalisés entre 1995 et 2010, par son dernier exploitant, la S.A. des Charbonnages modernes en liquidation.

On se mettra ainsi dans les mêmes conditions que l'étude d'un territoire "classique" : état, royaume, commune, propriété… : ils évoluent et leurs propriétaires ou chefs passent et changent.

 

Ecrire l'histoire d'un exploitant ou d'une société exploitante

On peut choisir d'aborder une partie de l'histoire d'une concession via l'histoire d'un de ses exploitants. Il faut bien se rendre compte qu'il ne s'agit alors que d'une histoire partielle si elle est prise du point de vue local, l'exploitant n'ayant souvent fait que passer, parmi d'autres.

Envisagée de manière plus générale, l'histoire d'une société exploitante peut impliquer d'entreprendre l'étude de chacune des concessions que cette société a possédée et exploitée durant la période considérée.

Il ne s'agira aussi que d'une histoire partielle si on ne s'intéresse qu'à un seul exploitant durant l'époque où il a possédé et exploité sa concession. Ainsi, dans le cas présent :

  • en ne s'intéressant qu'à la Société charbonnière Lemineur, on ne verra que la seule concession primitive de Forêt, entre 1783 et 1822 pour l'exploitation, et jusqu'en 1892 pour apprendre que les Lemineur l'ont vendue ;
  • si on considère la S.A. des Charbonnages de Forêt et Village, on verra sans doute l'histoire de la famille Untel, on survolera un peu plus celle de la famille Lemineur et on ne verra plus rien après 1908, où elle disparaît face à une autre société, plus ancienne, qui perdure, mais qui n'est pas celle étudiée ;
  • si on veut écrire l'histoire de la S.A. des Hauts-Fourneaux et Aciers de Lidje, on ne la trouvera, comme société charbonnière exploitant les concessions qui nous intéressent, qu'entre 1931 et 1958. C'est pourtant cette société qui a peut-être laissé le plus de souvenirs dans la population locale (celle-ci se rappelle toujours, aujourd'hui, des deux sièges du "Charbonnage des Vallées"), soit seulement 27 années sur 178 ans d'exploitation continue. En fait, la S.A. des Hauts-Fourneaux et Aciers de Lidje s'est complètement recentrée depuis 1958 sur son activité sidérurgique d'origine, à 100 km de là. Elle y existe toujours, au sein d'un consortium indien. Curieusement, on en a oublié la S.A. des Charbonnages Modernes, sa filiale, qui avait acquis et exploité ses concessions charbonnières après 1958. On a également oublié que cette filiale existait toujours fin 2010, après avoir exploité 3 ans la concession de Grande et Petite Vallées, Village et Forêt et en avoir géré les dégâts miniers pendant plus de 35 ans (leurs derniers bureaux se trouvaient à Lidje, d'où ils géraient les 13 concessions acquises en 1958 et toutes retirées entre 1998 et 2010). Elle terminait sa liquidation, après avoir retrouvé et sécurisé, entre 1995 et 2010, presque tous les puits exploités depuis 1783 sur la concession de Grande et Petite Vallées, Village et Forêt (la dernière qui leur restait). Des dalles de béton et des bornes marquent l'emplacement de ces puits, répartis sur 4 communes.

En écrivant l'histoire d'une société minière, on veillera donc à bien la mettre en phase avec l'état de la concession au moment où cette société en était propriétaire et exploitante, et avec la situation des puits et sièges qu'elle a géré elle-même. Il faudra veiller en particulier aux documents cartographiques, qui doivent correspondre à la situation de la concession et des sièges à l'époque étudiée.

De la même manière, il ne faudra pas ignorer l'évolution postérieure de la société et surtout de la concession, au risque de citer comme actuelle une situation totalement dépassée.

Il restera donc toujours utile de brosser un bref historique de l'évolution complète de la concession pour bien caler l'époque concernée, ainsi que les conditions de reprise et de continuation de l'exploitation entre sociétés, avant et après celle qui est étudiée. Sans cela, l'ancrage local risque d'être faible.

 

Les erreurs classiques

Quelques approches erronées classiques :

  • confusion de la concession et des sociétés concessionnaires ;
  • confusion de la concession et d'un siège d'exploitation ;
  • confusion des concessions sensu stricto et des concessions d'exploitation octroyées par des communes ou institutions publiques cédant le droit d'exploiter, sous leurs seules propriétés, les mines à moins de 100 pieds entre 1795 et 1810 ;
  • référence à un périmètre ancien qui a évolué depuis (ex. limites de la carte des concessions houillères de 1946 qui reprend la situation des seules concessions de mines de houille encore existantes en 1946, situation qui a continué à évoluer par mutations de concessions jusqu'aujourd'hui) ;
  • référence à une société concessionnaire disparue ou remplacée par une autre, souvent encore existante aujourd'hui ;
  • considérer que le sous-sol appartient à l'Etat ;
  • considérer que les concessions déchues, retirées ou renoncées ont été reprises par l'Etat (elles ont purement et simplement été rayées et ont cessé d'exister) ;
  • oublier qu'il y a eu bien plus de concessions de mines métalliques, de fer, de schistes alunifères, d'or, etc. que de mines de houille en Wallonie ;
  • imprécision du sens de certains termes (ex. "charbonnage" jusque vers la fin du 19ème siècle signifie, strictement, "concession"; par après il désigne la société exploitante ou le siège d'exploitation).

 

Quelques exemples

On trouvera ici quelques exemples d'historiques assez brefs réalisés par des agents de la Cellule Sous-sol/Géologie et/ou des concessionnaires, dans le cadre du rapport relatif à la sécurisation des concessions en cours de retrait. Ils se basent, de ce fait, sur la situation actuelle de la concession. Leur utilisation est libre de droits à condition de citer l'article et ses auteurs.

Saint-Denis, Obourg, Havré (n° 022)
Bois-du-Luc, La Barette et Trivières (n° 026)

Bleyberg (n° 247)

Fiche 2 – Ecrire l'histoire d'une concession - Les sources de données

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