Les «récifs de marbre rouge» (MM)

Depuis les études de Dupont (1882a et b, 1886), de Maillieux (1926) et de Lecompte (1956, par exemple), on sait que trois générations de monticules frasniens se succèdent au bord sud du Synclinorium de Dinant. Le troisième niveau (F2j de Maillieux & Demanet, 1929) de bioconstructions est particulièrement bien représenté dans le Massif de Philippeville où près de 50 édifices sont connus dans les Formations de Neuville et des Valisettes. Les «récifs de marbre rouge», ou plus exactement monticules micritiques, forment des édifices carbonatés épais de 40 à 80 mètres qui s’étendent latéralement sur plusieurs centaines de mètres. Ils ont récemment fait l’objet d’études sédimentologiques très détaillées (Boulvain, 1993b; Boulvain & Herbosch, 1993 et 1996).

En résumé, le développement de ces édifices serait sous le contrôle étroit des fluctuations eustatiques importantes qui marquent la partie supérieure du Frasnien, comme Tsien (1980) l’avait pressenti. Les monticules auraient commencé à se développer juste après deux périodes d’élévation du niveau marin (transgressions) et auraient poursuivi leur croissance vers la surface de la mer pendant des phases de relative stabilité de ce niveau. Leur disparition définitive serait liée à une nouvelle et brutale transgression.

Ces édifices formés essentiellement d’une fine boue calcaire (micrite) sont appelés : biohermes, monticules boueux (mud mounds), monticules micritiques ou encore récifs rouges. S’ils commencent à croître à une profondeur de l’ordre de la centaine de mètres (faciès rouge à stromatactis), ils n’évolueraient vraiment bien que dans la zone photique (faciès gris). La production des carbonates est due aux organismes récifaux mais aussi aux micro-organismes. Ces derniers auraient également joué un rôle important dans la consolidation de ces masses boueuses très fines (micrite) ainsi que dans la fixation du pigment ferrugineux (bactéries ferrifères; Boulvain, 1989).

Ces édifices (fig. 3) ont un relief peu important lorsqu’ils se développent dans les calcaires argileux et les schistes noduleux de la Formation de Neuville; il s’agit dans ce cas de monticules du type «Les Bulants» (Boulvain & Coen-Aubert, 1991; Boulvain, 1993b). Par contre, lorsqu’ils sont associés aux schistes de la Formation des Valisettes, ils acquièrent un relief appréciable et des pentes latérales marquées; Boulvain (1993b) a attribué ces derniers au type «Les Wayons-Hautmont».

 

fig. 3 : Modèles des monticules micritiques du Massif de Philippeville
NVa, b : Neuville, SZa, b : Beauchâteau, BL : Les Bulants
= coupes et carrières de la carte 57/3-4
HMa, b, c : Hautmont, RF : Rochefontaine, TG : Tienne à l’Gatte
= carrières de la carte voisine 58/1-2
(d’après Boulvain & Coen-Aubert, 1991; modifié).

La succession des faciès peut être schématisée de la façon suivante :

  • à la base des édifices, des calcaires rouges à stromatactis (structure liée à la dégradation d’éponges) dont la couleur caractéristique est due à l’activité de bactéries ferro-oxydantes;
  • vers la partie moyenne, un enrichissement en coraux et crinoïdes;
  • à la partie supérieure, apparition de structures cyanobactériennes (thrombolites, stromatolites) et disparition des stromatactis et du pigment ferrugineux rouge, suite à une bonne oxygénation de l’environnement;
  • réapparition de calcaires rouges à stromatactis, coraux et crinoïdes, avant l’enfouissement par des schistes fins.

Age : partie supérieure du Frasnien.

Carrières représentatives :

Parmi les nombreux biohermes de marbre rouge visibles sur la carte Froidchapelle-Senzeille, l’ancienne carrière Dumay (fig. 2, n°5) à Neuville (propriété privée) est caractéristique d’un monticule micritique de type Les Bulants (Formation de Neuville; fig. 3, coupe BL).

L’ancienne carrière de Beauchâteau (site classé, mais accessible au public) illustre parfaitement les lithofaciès (Boulvain & Coen-Aubert, 1992) des biohermes ou monticules micritiques rouges de type les Wayons-Hautmont (Formation des Valisettes). On y accède par la route reliant la nationale Charleroi-Couvin à Cerfontaine. En position subhorizontale, ce monticule culmine à une trentaine de mètres. De nombreuses surfaces sciées, témoins d’une exploitation industrielle intensive, facilitent grandement l’observation des faciès (fig. 3, coupe SZb). Bien que tectonisés, les contacts de ce monticule avec l’encaissant schisteux sont clairement visibles (fig. 3, coupe SZa).

Utilisation : le marbre rouge a été apprécié comme matériau de décoration dès l’époque romaine (voir 4. Ressources du sous-sol et exploitations). Seules quelques carrières sont encore en activité (ex. carrières Tapoumont et Maudoux-Mousty, au SW de Neuville) et diversifient les applications du «marbre rouge» en le débitant en moellons et pavés pour trottoirs et rues piétonnes.

Pour en savoir plus :
Dumon (1929)
Dumon (1957)
Casier (1988)