Formation de Jodoigne (JOD)
Origine du nom : |
de la ville de Jodoigne à l’extrémité est de
la Province du Brabant wallon. Dumont
(1847), Malaise (1873, 1883, 1911) puis
Fourmarier (1920) citent à de nombreuses
reprises les « roches noires de Jodoigne »
qu’ils placent dans différentes assises.
C’est de la Vallée Poussin (1931, p. 320)
qui crée l’Assise de Jodoigne : « quartzite
noir, phyllade noir, pyriteux, ressemblant
étonnement au Revinien de l’Ardenne
comme André Dumont l’avait déjà noté. »
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Description :
Il est étonnant de constater que cette formation est très
mal décrite dans la littérature ancienne et qu’elle n’a plus été
étudiée depuis de la Vallée Poussin (1931). En outre, les rares descriptions ne parlent que des grès et schistes noirs des environs
de Jodoigne alors que cette formation comprend d’autres faciès
comme des quartzites noirs, des quartzites gris clair alternant
avec des schistes noirs, des grès à débris de schistes, etc.
Malgré la rareté et la discontinuité des affleurements, il est
néanmoins possible de distinguer plusieurs zones, caractérisées
chacune par un faciès lithologique homogène, qui se répartissent
géographiquement de manière cohérente par rapport aux données
structurales (cf. 3 et fig. 20). Décrivons ces différentes unités
lithologiques (elles ne sont pas distinguées l’une de l’autre sur la
carte) de la plus ancienne à la plus jeune (fig. 4) :
- - unité « faciès Maka » : cette unité épaisse d’environ 300 m
est constituée de quartzites massifs, sans stratification
apparente, de couleur gris clair à gris, qui passent à des
alternances de schistes noirs pyriteux et de petits bancs de
grès clairs. Les passées de quartzite ont une épaisseur de
quelques dizaines de mètres et affleurent bien alors que les
alternances schistes/grès n’affleurent quasiment pas (cf.
affleurements représentatifs).
- - un premier hiatus d’observation peu épais (de l’ordre de
400 m), il est vraisemblablement constitué de schiste vu
l’absence de relief et d’affleurement.
- - unité « faciès Orbais » : cette unité épaisse d’environ 100
à 150 m comporte des quartzites de teinte grise à gris
bleuté bien stratifiés en bancs décimétriques. Ces quartzites
montrent des laminations planes assez fréquentes et plus
rarement des laminations obliques; on y observe assez
épisodiquement des quartzites à débris de schistes noirs
(galets mous) dont l’abondance est très variable et va de
quelques débris à plus de 30% (quartzites lithiques). Les
passées de quartzite n’ont pas plus d’une dizaine de mètres
d’épaisseur et alternent avec des schistes noirs pyriteux à
petits bancs de grès fort semblables à ceux de l’unité « faciès
Maka ». Cette unité affleure depuis Orbais au sud jusqu’à
Mont-au-Pont tout au long et uniquement sur le versant est
de la Grande Gette (fig. 4).
- - un deuxième hiatus d’observation assez épais (environ 700
à 800 m) entre le pont sur la Grande Gette de Mont-au-Pont
et l’ancienne gare de Jodoigne-Souveraine.
- - unité « faciès Jodoigne-Souveraine » : cette unité épaisse
d’environ 300 m affleure peu. Elle comporte des quartzites
noirs massifs à stratification difficile à déceler (cf.
affleurements représentatifs).
- - un troisième hiatus d’observation très épais (de l’ordre
de 1800 m). C’est dans cette zone que plusieurs auteurs
comme Fourmarier (1920) faisaient passer la Formation
de Tubize. Raynaud (1952) a démontré par un levé
magnétique que cette hypothèse était fausse. Depuis lors, un
sondage carotté effectué au milieu de cette zone (carothèque
du SGB 118W285) montre une alternance centimétrique
à décimétrique et rythmique de grès, siltites et schistes de
teinte gris foncé à noire, typique des faciès de turbidites
(très semblable à l’unité suivante).
- - unité « faciès Jodoigne » : cette unité d’une épaisseur
d’environ 300 à 400 m comporte des passées métriques à
décamétriques de schistes noirs et/ou de schistes noirs à
passées millimétriques à centimétriques de silt qui alternent
avec des séquences rythmiques de grès, siltites et schistes
noirs en séquences le plus souvent décimétriques (fig. 5).
Les schistes et les siltites sont toujours noirs et la pyrite
fréquente, les grès sont le plus souvent noirs à l’exception
de deux excavations temporaires situées dans la zone est de
la ville de Jodoigne où les grès sont de teinte claire. Les
séquences rythmiques montrent toutes les caractéristiques
(granoclassement, laminations obliques et convolutes,
fig. 5) de faciès de turbidites de forte densité (modèle de
Bouma). Des études structurales détaillées montrent que les
slumps (glissements sous-aquatiques) sont assez fréquents
(Debacker et al., 2006).
Toutes ces caractéristiques permettent d’interpréter sans
ambiguité l’environnement de dépôt : c’est celui d’une mer
profonde anoxique où alternent des dépôts pélagiques (schistes
homogènes, niveaux exploités pour ardoises), des dépôts hémipélagiques et des dépôts de turbidites assez distales. Cette unité
disparaît au nord de la carte sous la couverture quaternaire et n’est
connue qu’en sondage sur la carte voisine nord (Meldert - Tienen).
Épaisseur : |
vu la structuration subverticale des couches et leur
orientation NNW-SSE assez constante (fig.20),
une estimation grossière de l’épaisseur de la
Formation de Jodoigne qui affleure sur cette carte
est possible et conduit à une valeur de l’ordre de
4000 m (pour autant qu’il n’y ait pas de faille). Les
hiatus d’observation forment près des deux tiers de
cette épaisseur, les unités “faciès Maka” et “faciès
Jodoigne” sont les plus épaisses avec chacune de
l’ordre de 250 à 300 m. Cette épaisseur dépasse
cependant vraisemblablement les 4000 m, la base
est en effet tronquée par une faille et la partie
supérieure s’étend au nord, sous la couverture.
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Âge : |
aucun fossile ou microfossile n’a jusqu’à présent été
trouvé. Néanmoins, le levé de cette carte montre que la
formation n’appartient certainement pas au Cambrien
inférieur (Verniers et al., 2001) mais fort probablement
au Cambrien moyen (cf. 5).
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Utilisation : |
les grès et quartzites ont été utilisés comme pierre à
bâtir et les schistes de l’unité « faciès Jodoigne » ont
été utilisés comme ardoise (la schistosité est quasi
parallèle à la stratification).
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Affleurements représentatifs :
- - L’unité “faciès Maka” est bien visible de part et d’autre
de la Rue du Maka à Jauchelette (fig. 6). Dans sa partie
nord rectiligne sur le plateau (entre les n° 6 et 15), on peut
observer de nombreux pointements de quartzites dans les
jardins des maisons ainsi que dans les prairies coté est. Les
quartzites sont massifs, découpés par plusieurs directions
de diaclases et forment des “dos de baleine” d’environ
1 m de haut et jusque 2-3 m de long qui émergent dans
les prairies à une altitude de plus de 110 m (paléoreliefs
du socle). Plus vers le sud, entre la Chapelle et l’ancien
moulin Maka, la rue emprunte un ancien chemin creux
en pente vers la Grande Gette. En creusant dans le talus
sud-est on trouve des schistes noirs à petits bancs de grès.
Sur le versant boisé coté nord-ouest de la rue (entre la
chapelle et le moulin Maka), on peut observer de nombreux
pointements de quartzite de 1 à 2 m de haut découpés par de
nombreuses diaclases et veinules de quartz. La stratification
et la schistosité sont systématiquement subverticales et leur
relations montrent que toute la zone « faciès Maka » (depuis
l’église de Jauchelette jusqu’au camping de La Ramée,
fig.4) est constituée de plis à fort plongement qui forment
des plis en Z d’orientation globalement NNW-SSE (plis de
type B, cf. 3.1.3. et fig. 20 et 21).
- - L’unité “faciès Orbais” s’observe à Orbais juste au sud de
la nationale Perwez-Jodoigne sur le versant nord du ruisseau
sans nom qui vient du nord-est (fig. 6). C’est un affleurement
d’une cinquantaine de mètres de long en bordure d’une
prairie qui montre des quartzites de teinte claire en bancs
décimétriques. On y observe également quelques rares bancs
de grès à débris de schistes abondants, faciès caractéristique
de cette unité. C’est un des rares affleurements de la région
où la stratification n’est pas subverticale et les relations entre
la stratification (S0 : d=N45°E p=54°NW) et la schistosité
(S1: d=N80°E p=85°S difficilement visible) montrent
que l’on se trouve dans la plateure d’un anticlinal vu une
polarité des couches normale (plis de type A, cf. 3.1.3. et fig.
20 et 21). À 75 m au sud-est sur l’autre versant du ruisseau,
dans le talus sud-ouest du chemin creux, on peut observer
(en nettoyant et creusant le talus) des schistes noirs à petits
bancs de grès clairs centimétriques (fig. 6).
- - L’unité “faciès Jodoigne-Souveraine” est visible le long
de la Grande Gette juste en aval du pont qui se trouve près de
la Chapelle N.-D. du Perpétuel Secours (fig. 7). À ce niveau,
la rivière est fort encaissée dans les alluvions modernes et
on observe sur une centaine de mètres d’énormes blocs de
quartzites noirs massifs en particulier sur la rive ouest (en
place ?). Quelques mètres plus haut sur ce même versant
l’assiette de l’ancienne voie de vicinal montre ces mêmes
quartzites bien en place.
- - L’unité « faciès Jodoigne » affleure à l’ouest du Château
Pastur (maison communale de Jodoigne) où les affleurements
forment une paroi haute de 3-4 m qui sert de fondation au
château (fig. 8). On remarquera la couleur très foncée des
schistes, siltites et grès ainsi que la complexité tectonique
(Debacker et al., 2006). On observe également quelques
séquences de turbidites de taille décimétrique.
Cette même unité s’observe aussi dans une ancienne
exploitation pour ardoise sur le versant ouest de la Grande
Gette juste face au Grand Moulin (fig. 8). Cette excavation
(20 m de long sur 3-4 m de haut) expose des schistes noirs
fréquemment interrompus par des passées de 10-15 cm
de grès gris foncé ainsi que par de nombreuses passées
millimétriques de siltites difficiles à voir. Les passées de grès
présentent des granoclassements (visibles par la couleur)
ainsi que des laminations obliques et convolutes (rares) qui
démontrent qu’elles proviennent de courants de turbidité de
forte densité. Les passées millimétriques proviennent plus
probablement de courants de turbidité de faible densité.
La stratification et la schistosité sont fort redressées et
leurs relations mutuelles traduisent une zone de plis à fort
plongement (plis de type B, cf. 3.1.3. et fig. 20 et 21). Une
démonstration remarquable est sous nos yeux : coté sud
de l’excavation on peut en effet observer une avancée de
1,5 m de large sur 2 m de haut constituée par un même banc
gréseux à la surface ornée de rides de courant qui forme un
pli isoclinal dont le plan axial plonge à 70° vers le sud-est
(vers l’observateur). On a ici une vision en trois dimensions
du style de plis caractéristique de cette région.
Pour en savoir plus : |
de la vallée Poussin, 1931
Tordoir, 1997
Debacker et al., 2006
Herbosh et al., 2008
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Fig. 4. Répartition géographique des différents faciès et hiatus
d’observation dans la Formation de Jodoigne. Répartition des
affleurements de la Formation de Blanmont.
Fig. 5. Levé au banc par banc d’une séquence de turbidite dans l’unité
“faciès Jodoigne” de la Formation de Jodoigne (JOD). Parc du
Château du Bordia, versant est de la Grande Gette. Sh.= shale;
b et c = termes de la séquence de Bouma; Tabcde = termes
descriptifs des séquences de Bouma, qtz = quartzite.
Fig. 6. Localisation des affleurements représentatifs de la Formation
de Jodoigne (JOD) : l’unité “faciès Maka” à Jauchelette et l’unité
“faciès Orbais” à Orbais.
Fig. 7. Localisation des affleurements représentatifs de la Formation de
Jodoigne (JOD) : unité “faciès Jodoigne-Souveraine” et les limites
entre les formations de Bruxelles, de Hannut et de Jodoigne (BXL/
HAN/JOD) au nord et sud-est de l’église de Jodoigne-Souveraine.
Fig. 8. Localisation des affleurements représentatifs de la Formation de
Jodoigne (JOD) : unité “faciès Jodoigne” à la maison communale
Jodoigne (versant est de la Grande Gette) et près du Grand Moulin
(versant ouest de la Grande Gette).
Fig. 20(a). Schéma synthétique des stratifications, schistosités, polarités,
type de plis et traces approximatives des couches et de la
Faille de Dongelberg dans les affleurements des formations de
Blanmont et de Jodoigne du bassin de la Grande Gette.
Fig. 20(b). Schéma synthétique des stratifications, schistosités, polarités,
type de plis et traces approximatives des couches et de la
Faille de Dongelberg dans les affleurements des formations de
Blanmont et de Jodoigne du bassin de la Grande Gette
Fig. 21. Schéma des deux types de plis majeurs observés dans le Massif
du Brabant : 1 type de plis A d’axe subhorizontal ou à plongement
faible; 2 type de plis B d’axe à très fort plongement. La direction
du haut des couches est marquée par une flèche noire (modifié
d’après Debacker et al., 2004b).
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